Cryothérapie et récupération

Cryothérapie et récupérationPar callum Brownstein, chercheur post-doctorant, Chaire ActiFS

 

Introduction – Dommages musculaires et douleurs après l’exercice

Lors d’exercices intenses (e.g. course à pied, musculation), nous sommes parfois victimes de dommages musculaires qui sont principalement causés par un mode de contraction spécifique : la contraction excentrique. Ces contractions surviennent lorsque le muscle produit une tension tout en s’allongeant, entraînant de microscopiques déchirures au sein même des fibres musculaires. La contraction excentrique est retrouvée dans plusieurs mouvements sportifs (e.g. décélération après un sprint, phase d’atterrissage après un saut, course en pente descendante), et a un rôle freinateur pendant le mouvement. De plus, les données scientifiques montrent que lorsqu’une contraction excentrique précède une contraction concentrique (i.e. contraction musculaire caractérisée par un raccourcissement du muscle, comme schématisé par la figure ci-contre), nous sommes dans la capacité de produire une force plus importante, de réaliser des mouvements plus rapides ou encore de soulever des charges plus lourdes. Ce phénomène est connu sous le nom de cycle étirement-détente (ou cycle étirement-raccourcissement). Les contractions excentriques font ainsi partie intégrante de la performance sportive.

Malgré l’importance des contractions excentriques dans la performance sportive, les dommages induits par ce type de contraction peuvent entraîner de longues périodes de douleurs musculaires, ainsi que des altérations fonctionnelles importantes limitant par exemple les capacités de force et de puissance. Le temps de récupération, pouvant durer jusqu’à plusieurs jours post-exercice, dépend directement de l’ampleur des dommages induits par l’exercice. Il dépendra également de votre habituation à réaliser ce type d’exercice. Par exemple, si vous avez récemment commencé un nouveau programme de musculation, ou que vous avez changé votre programme habituel pour inclure de nouveaux exercices, vous avez peut-être remarqué que vous ressentiez des douleurs musculaires particulièrement importantes les jours suivant l’exercice et que vous aviez besoin de plus de temps pour totalement récupérer. La survenue de ces deux phénomènes (i.e. douleurs musculaires et période de récupération prolongée) n’est pas seulement due aux lésions induites pendant l’exercice, phénomène couramment qualifié de « dommage musculaire primaire » (« primary muscle damage »). Elle est également la conséquence de processus inflammatoires qui se déclenchent dans les heures et les jours qui suivent l’exercice, phénomène couramment qualifié de « dommage musculaire secondaire » (« secondary muscle damage »). Bien que le processus inflammatoire soit une étape clé de la réparation et de la récupération musculaire, certaines évidences scientifiques stipulent que l’inflammation peut perturber le processus de récupération sur le court terme, et par conséquent limiter notre habilité à pratiquer de l’exercice les jours suivants la réalisation de l’exercice ayant induit les dommages.

La cryothérapie comme méthode pour accélérer la récupération après l’exercice

Bien qu’il existe de nombreuses méthodes pour accélérer la récupération (e.g. récupération active, massage, électromyostimulation), la cryothérapie fait partie des méthodes les plus couramment utilisées parmi les athlètes. La cryothérapie consiste à appliquer du froid à une partie ou à la totalité du corps, ce terme englobant une large variété de pratiques (e.g. cryo-bain, cryothérapie corps entier). En ce qui concerne la récupération après l’exercice, la plus commune de ces pratiques est l’immersion en eau froide où le corps est immergé dans de l’eau généralement ≤ 15˚C/ 59˚F immédiatement après l’exercice afin d’améliorer la récupération. Actuellement, les preuves scientifiques sur l’efficacité d’une telle méthode pour améliorer la récupération divergent et manquent de clarté. Cependant, des études ont suggéré que les sensations de douleurs musculaires étaient réduites après une immersion en eau froide, laissant penser que cette technique de cryothérapie peut être une technique efficace pour améliorer la récupération (Bleakley et al., 2012).

Quelles sont les raisons derrière l’utilisation de l’immersion en eau froide pour améliorer la récupération ?

Bien qu’une multitude de recherches aient été effectuées sur les effets de l’immersion en eau froide sur la récupération, les mécanismes par lesquels cela améliore la récupération ne sont pas précisément compris à ce jour. Plusieurs mécanismes ont été suggérés, comme i) la réduction de l’œdème par un mouvement de fluide en réponse à l’augmentation de la pression exercée par la force compressive de l’eau sur le muscle, ou ii) la diminution de l’intensité de la conduction nerveuse en réponse à la diminution de température qui réduit in fine le niveau de douleur. Cependant, l’un des mécanismes les plus couramment suggérés pour justifier de l’amélioration de la récupération par l’immersion en eau froide est la diminution du niveau d’inflammation. Cette immersion entraîne un phénomène de vasoconstriction (i.e. diminution du diamètre des vaisseaux sanguins), qui réduit l’accès au muscle des cellules responsables de l’inflammation. Cela peut également être lié à une diminution du stress métabolique après l’exercice, phénomène connu pour sa contribution dans la survenue des dommages musculaires.

Les limites de l’immersion en eau froide

Les principales limites associées à l’immersion en eau froide sont l’impossibilité de trouver un bain approprié à proximité de l’endroit ou vous avez réalisé l’exercice, la nécessité de devoir enregistrer la température de l’eau pour s’assurer qu’elle soit optimale pour la récupération ou l’inconfort associé à l’immersion dans une eau ≤ 15°C. En raison de cet inconfort, l’immersion en eau froide ne peut être utilisée que sur de courtes périodes, les protocoles n’excédant généralement pas plus de 20 minutes. En conséquence, la diminution de la température musculaire censée réduire l’inflammation n’est seulement effective que pour quelques minutes. Par exemple, la température cutanée enregistrée après une immersion de 20 minutes dans une eau à 10°C retournait à la normale 1 heure après la sortie du bain froid (Minette et al., 2014). La brève diminution de température musculaire peut être problématique dans une perspective de récupération, car les phénomènes d’inflammation musculaire peuvent durer jusqu’à 6 heures post-exercice (Armstrong et al., 1991). Par conséquent, l’utilisation d’interventions cryothérapeutiques prolongées pendant cette période pourrait permettre de réduire les phénomènes inflammatoires et d’accélérer la récupération après un exercice ayant induit des dommages musculaires.

Les matériaux à changement de phase (« phase change material ») – un nouvel outil de cryothérapie et de récupération

Le matériau à changement de phase est une nouvelle forme de cryothérapie récemment implémentée et qui a montré des résultats scientifiques prometteurs. Le matériau à changement de phase est une substance fusionnant à haute température à l’intérieur d’une feuille plastique, qui a la capacité de fondre et de se solidifier à certaines températures. Quand le matériau à changement de phase gelé est chauffé (lorsqu’il est exposé au corps humain par exemple), il absorbe continuellement la chaleur et passe du solide au liquide. Pendant la fusion du matériau, la température est maintenue constante à la température de fusion jusqu’à ce que tout le matériau se soit transformé en liquide. Par conséquent, cette technique permet de maintenir de faibles températures sur une longue période. D’un point de vue de la récupération, cette technique présente de nombreux avantages logistiques et pratiques en raison de sa facilité de transport, de son niveau d’inconfort moindre, et de sa capacité à maintenir de faibles températures sur de plus longues périodes.

Des études récentes ont utilisé cette technique après un exercice induisant des dommages musculaires et ont montré des résultats prometteurs en terme de récupération de la fonction musculaire et de réduction de douleurs musculaires. Dans ces études, les participants portaient des shorts de compression avec les matériau à changement de phase placés sur les muscles du quadriceps après l’exercice, comme montré par la figure ci-contre. 

La première étude à avoir utilisé ce matériau comme technique de récupération a été conduite par Kwiecien et al. (2018). Dans cette étude, les participants effectuaient un exercice induisant des dommages musculaires. Par la suite, ils devaient appliquer soit du matériau à changement de phase gelé ou non gelé sur le muscle quadriceps durant les 6 heures qui suivaient la fin de l’exercice. Ces auteurs évaluaient ensuite la force maximale et le niveau de douleur des participants sur différents temps d’évaluation : 24, 48, 72 et 96 heures post-exercice, afin d’analyser si l’amplitude de diminution de force et d’augmentation de douleur était différente en fonction des deux conditions expérimentales (i.e. matériau à changement de phase gelé versus non gelé). Les résultats montrent que la diminution de force du quadriceps évaluée 24h post-exercice était réduite lorsque les sujets avaient appliqué le matériau gelé (i.e. respectivement 7 et 15% de diminution de force dans les conditions gelé versus non gelé). De plus, la sensation de douleur musculaire était réduite durant les 96 h post-exercice lorsque le matériau gelé était utilisé. Ces deux résultats suggèrent alors que l’efficacité du matériau gelé comme technique de récupération est supérieure à celle du matériau non gelé . 

Depuis cette étude préliminaire, deux autres études ont utilisé cette méthode pour évaluer son effet sur la récupération après un match de football. Dans la première étude, Clifford et al. (2018) évaluaient les effets du matériau gelé versus non gelé (durée d’application : 3 heures) sur la force du muscle quadriceps et les douleurs musculaires. Les résultats montrent que 36 h après le match, la force maximale était supérieure de 10% chez les joueurs ayant appliqué le matériau gelé sur leurs quadriceps. Ces mêmes joueurs rapportaient également un degré de douleur musculaire moindre que les joueurs ayant appliqué le matériau non gelé. Des résultats similaires ont été montré sur la performance en saut vertical dans une autre étude récente (McHugh et al., 2018). 

Mise en garde

Bien que d’autres études soient nécessaires, les études mentionnées ci-dessus suggèrent que le matériau à changement de phase peut être une méthode efficace pour réduire les douleurs musculaires et améliorer la récupération les jours suivants l’exercice. Cependant, il est important de considérer que même si l’inflammation peut nuire à la récupération sur le court-terme (i.e. sur les 3-4 jours après l’exercice), la réponse inflammatoire survenant après l’exercice est essentielle pour la réparation et les adaptations musculaires à long terme. Par conséquent, l’utilisation de stratégies comme la cryothérapie pour diminuer l’inflammation pourrait perturber la capacité des muscles à s’adapter aux stimuli de l’entraînement. D’un point de vue pratique, il est donc important de considérer quel est votre objectif principal après la session d’entrainement. Par exemple, si vous avez une séance d’entrainement ou compétition importante à venir, l’utilisation de la cryothérapie peut être une méthode efficace. Cependant, quand l’objectif est d’améliorer la condition physique et la force, il pourrait être plus approprié d’utiliser une méthode de récupération « naturelle » sans aucune intervention spécifique de récupération (e.g. cryothérapie).

Traduit de l'anglais par Robin Souron

 

ARMSTRONG, R. B., WARREN, G. L. & WARREN, J. A. 1991. Mechanisms of exercise-induced muscle fibre injury. Sports Med, 12, 184-207.

BLEAKLEY, C., MCDONOUGH, S., GARDNER, E., BAXTER, G. D., HOPKINS, J. T. & DAVISON, G. W. 2012. Cold-water immersion (cryotherapy) for preventing and treating muscle soreness after exercise. Cochrane Database Syst Rev, CD008262.

CLIFFORD, T., ABBOTT, W., KWIECIEN, S. Y., HOWATSON, G. & MCHUGH, M. P. 2018. Cryotherapy Reinvented: Application of Phase Change Material for Recovery in Elite Soccer. Int J Sports Physiol Perform, 13, 584-589.

KWIECIEN, S. Y., MCHUGH, M. P. & HOWATSON, G. 2018. The efficacy of cooling with phase change material for the treatment of exercise-induced muscle damage: pilot study. J Sports Sci, 36, 407-413.

MCHUGH, M. P., CLIFFORD, T., ABBOTT, W., KWIECIEN, S. Y., KREMENIC, I. J., DEVITA, J. J. & HOWATSON, G. 2018. Countermovement Jump Recovery in Professional Soccer Players Using an Inertial Sensor. Int J Sports Physiol Perform, 1-23.

MINETT, G. M., DUFFIELD, R., BILLAUT, F., CANNON, J., PORTUS, M. R. & MARINO, F. E. 2014. Cold-water immersion decreases cerebral oxygenation but improves recovery after intermittent-sprint exercise in the heat. Scand J Med Sci Sports, 24, 656-66.