Fatigue et sclérose en plaquesPar Nicolas Royer, Doctorant LIBM/ActiFS
SEP et fatigue, de quoi parle-t-on ?
La sclérose en plaques (SEP) est une maladie auto-immune impactant l’ensemble du système nerveux central (cerveau et moelle épinière) qui se manifeste par différents symptômes neurologiques. Plus de 110 000 personnes en France sont atteintes par cette maladie qui reste la première cause de handicap non traumatique chez les jeunes adultes.
La fatigue chronique est le symptôme le plus souvent rapporté par les patients atteints de SEP et ne se présente pas seulement comme la fatigue liée à un exercice physique ou mental. Selon le Conseil de la Sclérose en Plaques (Multiple Sclerosis Council for Clinical Practice Guidelines), la fatigue est définie comme un manque subjectif d’énergie physique et/ou mentale qui est perçu par l’individu ou par l’aidant comme interférant avec les activités quotidiennes et habituelles. De manière générale, la fatigue impacte la qualité de vie des patients SEP que ce soit dans les activités de la vie quotidienne (marche, faire les courses, tâches ménagères), l’efficacité au travail ou encore les relations sociales/familiales. Malheureusement, les causes de la fatigue dans la SEP sont encore mal comprises et il n’existe pas à ce jour de traitements, pharmacologiques ou non, permettant de supprimer cette fatigue persistante.
Il n’existe donc pas de stratégie unique pour lutter contre la fatigue. Cependant, il est admis par la communauté scientifique et médicale qu’une approche multidimensionnelle de la gestion de la fatigue permettrait de réduire la sévérité de ce symptôme. Cet article présente les recommandations pratiques qui peuvent être mises en place par les personnes atteintes de SEP afin de mieux gérer leur fatigue.
En pratique, comment diminuer sa fatigue ?
Tout d’abord, l’activité physique parait être le traitement non pharmacologique le plus intéressant. En effet, de nombreuses études ont pu montrer que l’exercice physique a des bénéfices sur la force musculaire, les capacités cardio-respiratoires, et même sur la cognition. L’amélioration de ces paramètres permet d’optimiser les mouvements quotidiens. De plus, les bienfaits de l’activité physique peuvent s’étendre à la gestion des troubles du sommeil et à lutter contre le sentiment dépressif. Ainsi, l’ensemble de ces bénéfices va permettre de réduire la sensation de fatigue chronique et améliorer la qualité de vie.
Il existe deux principales formes d’activité physique : l’exercice en endurance et l’exercice en force. Selon le « Canadian Physical Activity Guidelines for Adults with Multiple Sclerosis », il est recommandé quand c’est possible de faire 30 minutes d’activité en endurance deux fois par semaine. Cela correspond à de la marche, du vélo, du vélo elliptique ou à bras (Figure 1). L’activité doit se faire à une intensité modérée, c’est-à-dire que vous pouvez discuter en même temps que vous faites l’exercice physique. Si vous n’arrivez pas à faire 30 minutes d’exercice, vous pouvez commencer par deux sessions de 10 minutes et augmenter progressivement afin d’arriver à 30 minutes. Une fois que les 30 minutes sont atteintes, il est évidemment conseiller de poursuivre vos efforts au-delà des recommandations, si vous sentez que cela n’induit pas de sentiment d’épuisement.
Pour l’exercice en force, il est préconisé d’entraîner les principaux muscles deux fois par semaine, à raison de deux séries de 10 à 15 répétitions. Ces exercices de force peuvent être faits de différentes manières sans nécessairement que des appareils de musculation soient utilisés : poids de corps, bandes élastiques et poids libres peuvent faire l’affaire. Des exercices de renforcement musculaire sont présentés ici. Une répétition équivaut à un mouvement complet (par exemple : une flexion ou extension de bras avec un haltère) et une série correspond au nombre de répétions que vous allez faire (10-15 répétitions dans notre cas). L’objectif est de choisir une résistance assez lourde pour que les dernières répétitions de la dernière série soit difficiles tout en restant en sécurité. Entre les séries et les exercices, vous pouvez prendre entre une et deux minutes de repos. Il est important de travailler à la fois les muscles du haut (ex : pectoraux, biceps, triceps, grand dorsal) et du bas du corps (ex : fessiers, quadriceps, ischio-jambiers, mollets).
De plus, toutes les formes d’exercices aquatiques (aquagym, aquabike…) sont des options possibles pour obtenir les bienfaits de l’activité physique. Cette forme d’exercice a pour avantage de réduire les effets de la gravité et de maintenir une température corporelle correcte.
Pour l’ensemble des activités physiques, il est préférable que cela soit au moins initialement supervisé par un professionnel (kinésithérapeute, coach sportif, éducateur d’activité physique adaptée) après avis préalable de votre médecin.
La SEP peut provoquer une certaine raideur au sein des différents ligaments, tendons et muscles qui est amplifiée par le manque d’activité. Le corps entier est touché par cela et particulièrement au niveau des membres inférieurs, ce qui limite l’amplitude de mouvement, impacte l’équilibre et peut contribuer à la fatigue chronique (MS International Federation). Selon la Société Canadienne de la Sclérose en Plaques, les étirements sont intéressants pour diminuer la raideur et améliorer la mobilité. Ils ont donc proposé une multitude d’étirements statiques (maintien d’une position sur un muscle étiré à l’aide de son poids de corps) et dynamiques (mouvements répétés de grande amplitude) pour l’ensemble des muscles du corps. Des exercices d’étirements sont présentés ici. Il est nécessaire de consulter un professionnel pour apprendre les bonnes postures d’étirement afin d’être autonome par la suite.
Le principe est simple : il faut étirer le muscle jusqu’à percevoir une tension que vous pouvez maintenir confortablement. Il est très important de respirer profondément et pendant l’expiration, atteindre doucement l’étirement du muscle permettant de ressentir une tension. Il est important de ne pas ressentir de douleur lors de l’étirement. Il est recommandé de maintenir la position entre 30 et 60 secondes. Plus le muscle est volumineux (ex : quadriceps), plus l’étirement doit être long.
La Société Canadienne de la Sclérose en Plaques a proposé des étapes que vous pouvez suivre pour chaque étirement : > Prenez une grande respiration. > Atteignez doucement l’étirement du muscle pendant l’expiration. > Maintenez l’étirement à un endroit qui est confortable mais qui continue à créer une tension dans vos muscles. > N’oubliez pas de respirer profondément. > Maintenez l’étirement jusqu'à ce que vous pensiez pouvoir l'étirer un peu plus loin - mais ne le faites pas. > Prenez une grande respiration. > Lorsque vous expirez, reprenez lentement votre position de départ. > Relâchez votre muscle ou vos groupes musculaires pendant 30-60 secondes. > Répétez l’étirement si nécessaire. |
D’autres techniques permettent de diminuer les tensions au sein du corps et gagner en souplesse telles que le Tai Chi, le Yoga ou encore les massages mais ces activités se doivent d’être encadrées.
Pour lutter contre la fatigue, il est aussi possible d’avoir recours à des thérapies psychologiques et notamment à la thérapie cognitivo-comportementale. C’est une thérapie portant sur la modification des comportements et la façon de penser lors de situations problématiques. Le but va être de dépasser les pensées négatives afin d’agir autrement et donc sortir des comportements pouvant être néfastes pour l’individu. Son efficacité sur la fatigue ainsi que sur d’autres troubles psychologiques (anxiété, dépression, détresse) a été montrée et parait plus efficace que certaines techniques de relaxation selon l’ARSEP. Pour profiter de cette thérapie, vous pouvez faire appel à un psychologue ou encore à un psychiatre.
Enfin, des techniques de conservation de l’énergie se sont développées ces dernières années afin de faciliter la vie quotidienne des patients atteints de SEP et apprendre à mieux gérer leur fatigue.
Voici un ensemble d’astuces préconisées par l’ARSEP pour simplifier les activités de la vie de tous les jours :
Etablir des priorités : classer les tâches par ordre d’importance.
Répartir une activité en étapes : Le fait de distribuer une tâche en plusieurs étapes permet de voir sa progression et encourage la poursuite de celle-ci. Il faut prendre une pause après chaque étape afin de poursuive cette activité quand le niveau d’énergie sera optimal. Il ne sert à rien de vouloir terminer une tâche à tout prix.
Utiliser des postures de travail efficaces : Au cours d’une activité, la position choisie permet de minimiser la dépense d’énergie. Exemple : éplucher des légumes assis plutôt que debout.
Prévoir des pauses : Impératif aux premiers signes de fatigue afin de préserver la réserve d’énergie et prévenir l’épuisement.
Réduire le rythme : Faites chaque tâche à votre rythme pour réduire la dépense d’énergie.
Eviter les dépenses d’énergie inutiles : Se concentrer sur les tâches prioritaires ou indispensables.
Organiser les tâches : Gagner du temps et préserver de l’énergie en organisant vos tâches. Exemple : préparer tous vos outils et matériaux nécessaires pour bricoler.
Aménager la maison : Organiser la maison de manière à faciliter les déplacements entre les pièces et limiter les mouvements inutiles.
Déléguer les tâches : Ne pas hésiter à faire participer vos proches aux tâches quotidiennes et en cas de fatigue importante, vos proches peuvent aussi vous aider même si ce sont des tâches que vous avez l’habitude de faire (courses, ménage, tondre la pelouse etc…).
Organiser et planifier votre journée/semaine : Alterner des tâches simples à des tâches lourdes, des périodes d’activité et des périodes de repos, garder du temps pour les loisirs ou les activités physiques. Respecter votre rythme personnel. Équilibrer votre dépense/économie d’énergie par jour.
Avoir une bonne hygiène de vie : Manger sainement et éviter les éléments perturbateurs du sommeil (température trop élevée, lit inconfortable, etc…).
Il est important de contrôler un dernier aspect : la température corporelle. En effet, une température du corps trop élevée peut provoquer une augmentation des symptômes chez les patients SEP. Cependant, il est nécessaire de souligner que cela ne représente pas un signe de poussée dans la plupart des cas mais correspond à plutôt un symptôme connu et précis qui disparaîtra lors du retour à la température de base (phénomène de Uthoff). Pour éviter de trop grande augmentation de température, favoriser des bains ou des douches tièdes lorsque vous vous lavez. Si vous pratiquez une activité physique, hydratez-vous bien pendant et après celui-ci. Si vous sentez une faiblesse inhabituelle à la suite d’un exercice, n’hésitez pas à vous rafraîchir progressivement (poche de froid, ventilateur, douches, etc.).
Depuis le décret du 1er mars 2017, le médecin traitant peut prescrire une activité physique adaptée sur ordonnance pour des patients atteints d’une affection de longue durée, ce qui est le cas avec la SEP. La sécurité sociale ne prend pas en charge les séances de sport mais certaines assurances ou mutuelles peuvent rembourser partiellement ou totalement celles-ci. Il est aussi possible d’obtenir des aides financières par les collectivités territoriales. N’hésitez pas à contacter votre ville ou mutuelle pour profiter de vos droits en matière de remboursement.
Si vous habitez dans la Loire
Concrètement, si vous souhaitez pratiquer une activité physique dans le département de la Loire, il existe l’Association de Sclérosés En Plaques Loire Sud (ASEPLS) qui offre différentes options. Il suffit simplement de prendre une adhésion à l’association (20 euros) et s’inscrire aux activités proposées : Chiball, marche nordique adaptée, aquagym, sophrologie, massages. Ces activités sont encadrées par des personnes diplômées et sont tout à fait abordables étant donné que 66% du prix de chaque activité est pris en charge par l’association. Vous pourrez prendre part à un groupe motivé et dynamique. Pour de plus amples informations n’hésitez pas à consulter leur site : https://www.asepls.fr/
De plus, il est possible de se tourner vers le Comité Départemental Handisport de La Loire qui peut vous proposer un large panel d’activités en fonction de votre pathologie, de vos envies et de votre adresse. Il y a 14 clubs et sections handisport répartis sur la Loire qui englobent une vingtaine de disciplines. Pour plus d’informations, voici le site web : http://www.loirehandisport.org/.
Pour conclure, il existe de nombreuses techniques qui ont pour but de gérer le niveau de fatigue des patients atteints de SEP. Il est essentiel de comprendre que la réduction du symptôme de fatigue ne sera possible que par une combinaison de différents facteurs. Les patients ne doivent pas hésiter à demander des renseignements auprès de leur médecin et contacter les professionnels de santé pour mettre en place un programme adapté et multidisciplinaire. La fatigue ne doit pas être une fatalité !
Relecture : Pr JP Camdessanché